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La réserve opérationnelle compte, toutes armées confondues, plus de 55.000 réservistes, qui conjuguent une vie professionnelle civile avec un engagement ponctuel et périodique dans l’armée.
Si le caractère libéral de la profession d’avocat me permet, pour ma part (et avec un certain effort d’organisation), de conjuguer cet engagement avec ma carrière, la situation apparaît plus complexe pour mes camarades réservistes qui sont salariés du secteur privé.
Les articles L3142-65 et suivants du Code du travail disposent que les salariés sous engagement à servir la réserve opérationnelle (ESR) bénéficient d’un droit d’absence de 8 jours par an au titre de ses activités dans la réserve.
Ce droit d’absence était autrefois de 5 jours, mais l’article L3142-89 modifié par la loi du 13 juillet 2018 a porté cette durée à 8 jours, avec toutefois la possibilité pour les employeurs de moins de 250 salariés de limiter ce temps à 5 jours « pour conserver le bon fonctionnement de l’entreprise ».
En pratique, le contrat de travail sera suspendu et le salarié placé en absence autorisée. Il ne sera pas rémunéré par son employeur mais indemnisé par l’armée en fonction de son grade.
En outre, cette absence sera considérée comme une période de travail effectif pour les avantages légaux et conventionnels en matière d’ancienneté, d’avancement, de congés payés et de droits aux prestations sociales.
En revanche, pour bénéficier de ce droit d’absence, les salariés doivent réaliser une demande écrite, précisant très exactement les dates de début et fin de l’absence envisagée, et ce, avec un préavis d’un mois minimum avant le début de l’absence.
En pratique, et pour des raisons de preuve, je conseille aux réservistes d’informer leur employeur par lettre datée et remise en main propre contre décharge, voir par lettre recommandée avec accusé de réception. En effet, la date de la réception de la lettre par l’employeur est importante car elle marque le début du délai de préavis, mais aussi le début du délai laissé à l’employeur pour répondre (voir ci-dessous).
En outre, ce délai d’un moins peut être ramené à 15 jours si l’ESR du salarié comporte une clause de réactivité, et que son employeur accepte d’y être soumis. Je recommande aux salariés de recueillir cette acceptation à l’avance et par écrit s’ils veulent pouvoir se prévaloir un jour de cette clause.
Si le délai de 15 jours ou d’un mois de préavis n’est pas respecté, et/ou si la ou les missions occasionnent une absence supérieure à 8 (ou 5) jours par année civile, l’employeur peut accepter ou refuser l’absence du salarié.
Le refus de l’employeur doit malgré tout respecter certaines formes : l’article D3142-38 du Code du travail prévoit que le refus de l’employeur d’accorder l’autorisation de participer à une activité dans la réserve opérationnelle est motivée et notifiée au salarié ainsi qu’à l’autorité militaire dans les quinze jours à compter de la réception de la demande.
En revanche, ce texte ne prévoit pas quel peut être l’effet d’un refus de l’employeur ne respectant pas cette exigence de motivation et de double notification dans un délai de 15 jours au salarié et à l’autorité militaire, et la jurisprudence n’a, à ma connaissance, pas encore tranché la question. Mon interprétation personnelle du texte est qu’un refus ne respectant pas le formalisme de l’article D3142-38, ou une absence de réponse sous 15 jours, doit logiquement prendre les effets d’une acceptation. Le salarié qui s’absenterait ne pourrait alors pas être sanctionné disciplinairement, et toute sanction pourrait être annulée par le Conseil des prud’hommes.
En revanche lorsque le refus de l’employeur respecte les formes, il a le dernier mot en la matière, et le salarié qui passe outre pour réaliser malgré tout sa mission dans la réserve prend le risque de se voir placer en état d’absence injustifiée et se voir notifier une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’à un licenciement pour faute grave.
Tel est a été par exemple le cas dans une affaire qui a été jugée par la Chambre sociale de la Cour d’appel de Toulouse le 21 mars 2013 (RG 11/04554), et dans laquelle un magasinier qui voulait participer à une mission de type « vigipirate » de 18 jours, avait passé outre le refus de son employeur de le voir s’absenter. Il avait été licencié pour faute grave et avait contesté cette sanction.
La Cour d’appel de Toulouse, confirmant un jugement du Conseil de Prud’hommes de Castres, a donné raison à l’employeur en considérant que : « Monsieur F s’étant dispensé d’effectuer une demande écrite et d’obtenir l’accord de l’employeur, l’irrégularité de son absence est certaine. Cette absence étant intervenue malgré le refus d’autorisation clairement exprimé par écrit de son employeur, le refus délibéré du salarié de tenir compte de la décision de l’employeur s’analyse bien en une faute grave« .
Notez que dans cet exemple, le salarié n’avait pas réalisé de demande écrite pour pouvoir s’absenter, si bien que la question du respect de la forme du refus de l’employeur ne se posait même pas. La connaissance des textes ou les conseils avisés d’un avocat auraient peut être pu éviter au salarié-réserviste d’être aussi durement sanctionné.
Maître Pierre LACROIX est Capitaine dans la Réserve Opérationnelle. Très au fait de ces questions, il saura vous renseigner.